Toilette guerrière

Aujourd’hui je fabrique mon masque, je m’enduis de cette tourbe carbonique, je complète mon déguisement en traçant sur mon corps à la craie blanche les lignes du labyrinthe qui effraieront mes ennemis et les mettront en déroute. Ces signes hostiles qui composent un bestiaire de reptiles et de singes disparus nous viennent d’un fond d’épopées enfouies. Pas moyen de savoir qui nous les a transmises. Des hommes d’autrefois il ne nous reste que des traces sur les murs.

LA TERRE EST EMPOISONNÉE…L’AIR A DISPARU

Autour de moi la forêt de béton et cette rumeur qui serpente, effectuant ses circonvolutions vénéneuses avant l’étreinte létale. Depuis des jours, de tristes augures ont mis les hommes qui savent en alerte. Les holocaustes ne les ont d’ailleurs pas contredits. Dans les entrailles des bêtes sacrifiées on pouvait lire le message.

LA TERRE EST EMPOISONNÉE…L’AIR A DISPARU

Dès lors, hommes et femmes préparent les véhicules de guerre selon les rites établis par les ancêtres. Les peintures rougeoyantes viennent orner les carrosseries. Les pieux de métal sont dressés sur les toits ; les armes affûtées sont accrochées aux portières ; les barils d’essence, après avoir servis de percussions pour les mélopées guerrières, remplissent les réservoirs.

Les vieillards ressortent les totems sépulcraux pendant que le reste de la tribu aiguise ses lames. Depuis peu, nous vivons en ces lieux que nous croyions maudits ; il nous a fallu, pour coloniser cette terre, rompre avec les préceptes dictés par nos pères. En ville LA TERRE EST EMPOISONNÉE…L’AIR A DISPARU

Devant nous se dressent ces bâtiments de pierres grises recouverts d’une mousse verdâtre, des bâtiments verticaux et hauts comme une dizaine d’hommes. Comment étaient-ils parvenus à réaliser ces superbes monolithes ? Nous n’en savons rien. L’ingéniosité de cette époque recelait quelque magie nuisible à ce qu’on dit.

L’heure du combat approche, l’air moite des midis estivaux invite aux dernières transes. Nos ennemis, d’autres rescapés de la chute, viennent des montagnes stériles. Plus rien ne pousse chez eux et ça, même la mémoire des plus vieux peut en attester. Sur nos terres nouvelles  , il a fallu du temps, mais des plantes inconnues ont bénéficié des anfractuosités du béton. Année après année nous les avons observées, nous avons étudié leurs cycles afin d’en devenir les nouveaux maîtres. À présent la guerre couve entre la ville et la montagne, car ici la terre n’est plus empoisonnée et l’air est redevenue respirable pour notre progéniture..

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